Chroniques
Prémonition n°29
Après un premier album fabuleux que la critique rattacha au post-rock, Carmine évolua dans un format davantage "chanson" sur Lumielle, où le français fit son apparition avec naturel. Départs poursuit sur cette lancée et séduit mieux que son prédécesseur.
Depuis ses débuts, il y a cinq ans, le groupe a développé un style original, invitant sur ses chansons aux structures harmoniques et vocales recherchée des instruments acoustiques. Basse et guitare, soutenues par une batterie en finesse à la Steve Shelley et accompagnées de violons, flûte, trompette et piano, constituent la texture riche sur laquelle vient se poser le chant d'Isabelle et de Julien, aux voix douces et fragiles, tels Nicolas et Pimprenelle au Pays des Névroses.
En effet, l'univers de Carmine est plutôt torturé- ils mettent Bukowski en chanson - et, parmi les textes existentialistes, ils n'hésitent pas à aborder la folie en toute intimité sur Maintenant tais-toi. Le trio est ainsi toujours sur le fil du rasoir entre son côté pop et son penchant pour l'expérimentation, qui l'amène parfois à charger un peu l'orchestration (le piano très bavard sur Personne, toi non plus ? ), ou le chant (avec l'utilisation parfois trop systématique de la voix parlée). Là où ils séduisent sans retenue est quand la musique se met au service de mélodies limpides, comme sur When you go et son violon étourdissant ou Si peu de choses à dire qui clôt l'album sur une note sereine.
Comment résister aux entrelacs de guitare et au tourbillon de Lumielle ? A la montée aux guitares incisives de Véronique ? Avec de tels arguments, Carmine touche droit au cœur.
Christophe Van Ceunebroecke
Magic! #14
Anticonformiste au possible, Carmine peut se targuer d'être, en France, l'un des seuls représentants d'un musique décomplexée des stéréotypes pop anglo-saxons.
A l'époque de leur premier album (Lumielle -!!!- en 95), Carmine jouait du post-rock sans le savoir, et surtout sans ce que ce soit la "mode". Aujourd'hui, rattrapé par la meute (Diabologum, Ulan Bator et consorts), Carmine reste fidèle à ses idées mais n'a pas su profiter de son statut de précurseur :
Départs est certes un très bon disque mais n'est pas l'album marquant que notre duo fatidique aurait dû nous faire parvenir. Ces détails, sûrement plus imputables au manque de moyens qu'au manque d'ambition, n'empêchent pas les huit titres délivrés ici de surprendre par leur construction : guitares et basse aux lignes harmoniques différenciées et vocaux souvent à l'unisson, parfois en contre-chant, le tout exécuté dans une ambiance proche de l'abattement, donne une idée de leur originalité.
Mélodiquement instable, Carmine réussit quand même des refrains mémorables (When you go, Silver) et surtout s'entiche, avec Si peu de choses à dire, d'une vraie chanson, vision idéale d'un Dominique A border line.
Ne reste plus maintenant qu'à se faire connaître au-delà du cercle des initiés. Ce qui, à l'évidence, constitue pour eux un effort surhumain.
Hervé Crespy 4/6
Les Inrockuptibles n°118
Carmine épouse depuis quelques années une trajectoire atypique, brièvement entamée sous le nom de Candle et fuyant comme le choléra tout ce qui s'apparent de près ou de loin à un conformisme ou à une démission.
Profondément convaincu du bien-fondé de sa petite entreprise musicale, ce trio de partisans de l'audace n'est pas du tout genre à baisser les bras mais bien plutôt à lever le camp et partir explorer sans répit de nouvelles contrées, d'où il envoie cette troisième carte postale, Départs. Son titre traduit au plus juste l'état d'esprits animant Carmine et en indique fidèle la teneur : chaque morceau peut ainsi se concevoir comme une escale au cours d'une quête patiente et jamais laborieuse qu'aucun repère ne balise que rien ne semble en mesure de freiner.
D'une cohérence infrangible, l'ensemble, couronné par le fulgurant Si peu de choses a dire, jouit d'une évidente faculté d'envoutement. On insistera en premier lieu sur la richesse du travail, d'une complexité ne sombrant à aucun moment dans un amphigouri fatal, effectué sur la texture sonore et en particulier sur les voix, qui se superposent, se bousculent, se perdent, se font désirer et nous parlent plus que beaucoup d'autres. Peut-être en raison d'une prédilection marquée pour l'usage de motifs répétitifs, on pense parfois à Stereolab - mais alors un Stereolab soudain devenu vertébré.
Reste à espérer que ce Départs en fanfare contribue à élargir le cerlce des intimes qui, pour être happy, n'en reste pas moins few.
Jérôme Provencal
Webzine Magnetophone
Depuis leur superbe second album, Lumielle, sorti voici déjà deux ans, nous attendions un successeur digne du joyau concocté par Carmine. C’est enfin chose faite, et c’est étrangement sur Lumielle, morceau dont est, sans aucun doute, tiré le titre du précédent album, que s’ouvre Départs.
D’entrée, le ton est donc donné, puisque le spectre du deuxième album de Carmine traverse leur troisième album de part en part. Musicalement, Carmine n’a plus rien a prouvé et nous a montré par le passé son étonnant savoir-faire, à manier toutes sortes d’instruments aux noms parfois étranges, toujours mélodieux à nos oreilles, à utiliser les arrangements comme d’autres respirent.
Ce troisième album semble moins prolixe de tels instruments et arrangements, et pourtant on lui trouve une indéniable parenté avec son prédécesseur, le son y étant évidemment pour beaucoup. Les textes, plus audibles que par le passé, sont forcément moins obscurs, mais n’en sont pas pour autant moins glauques, contant des histoires de couples qui se déchirent, et qui n’ont plus rien à se dire (Personne, toi non plus, Si peu de choses à dire, Maintenant tais-toi... ). Comme à son habitude, le temps d’un morceau (This then), on retrouve le goût du groupe pour les poètes étrangers, avec ici un texte de Charles Bukowski. Ce morceau est d’autant plus étonnant qu’on y entend des "Catherine Wheels", ces fusées pyrotechniques qui nous sont chères les jours de Fête Nationale, et le son d’une trompette, instrument inédit chez ce groupe de post-rock national.
Carmine n’en finit pas de damner le pion à bon nombre d’autres groupes qui ont de grandes leçons de musique à apprendre. Départs n’est pas un album aussi surprenant que Lumielle, mais qui s’écoute avec tellement de plaisir !
Pascal Bérest
Le rond central
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire