Carmine
Visual / lumielle / départs
Etincelle du brasier britannique noisy pop / shoegazer (remember Ride, MBV, Earwig ou Revolver) apparue de l’autre côté de la Manche, Candle ne brûlera qu’un ep, Beginning Blue (92) estampillé Lithium 04, juste après le magistral La Fossette de Dominique A, Lithium 03.
Candle se consume et laisse au jour nouveau Carmine qui donne naissance à un premier album Visual en 93, sur leur propre label Karina Square. Julien et Isabelle sont alors très marqués d’influences indie héritées en Angleterre ou sur les terres de Sonic Youth.
Arrivé à un cap, le trio décide de s’enfoncer vers des terres inconnues hors de l’indie-rock qui commence à s’enliser dans le conventionnel, c’est le complet déclin de la vague shoegazer et bientôt feulent aux portes les pauvres tenants de la new wave of the new wave et de la calamiteuse brit-pop.
Carmine navigue désormais à grands coup de rames vers les eaux vierges du post-rock.
La barque de Lumielle (95) croise les sillages de Katerine, Pascal Comelade, Collection D’Arnell Andréa ou surtout Movietone, le tout avec une sensibilité digne héritière de l’indie jadis florissante mélangée à des troubles flash en provenance de Sonic Youth ou du Birthday Party. Ils semblent alors à la recherche de buts ultimes, comme des repères (How did we live here), des paysages isolés (Quadrille) dans une sensation de fadeur et de langueur (Le sommeil).
Carmine appelle au calme et au repos et non à l’oubli, propose ses chansons comme remèdes à l’agitation, aux gesticulations communes à ses voisins d’armes. En cela Carmine porte en application par A+B un axiome de la démarche post-rock en opposition à l’indie traditionnel :
le refus de la nécessité de la pop song parfaite et de toutes les soi-disant vérités qui l’accompagnent :
tu choisiras la structure couplet refrain ;
tu viseras à la radiophonie ;
la lenteur tu fuiras ;
conventionnellement tu joueras.
Pas de cela chez Carmine pas plus que chez Mogwai, Purr ou Tortoise. Carmine joue de la voix, des deux voix, celles d’Isabelle et de Julien et des langues, l’anglais, le français ou l’allemand. Guitaroncelle, piano, vibraphone, balafon, mélodica et chimes viennent épauler ou remplacer les traditionnels guitare, basse, batterie, clavier. Sur So beautiful, le chant double d’Isabelle s’affronte. D’un côté Kate Wright (Movietone) et de l’autre Kim Gordon (Sonic Youth) toutes deux porteuses d’un malaise similaire mais exprimé par chuchotement ou cris.
La perle de Lumielle s’impose, Non ne discute pas la vérité inspiré d’un poème de Marina Tsvétaïeva seule alternative recensée à l’obsédant Heatwave Pavment de Movietone.
Deux années passent alors où Carmine ne laissera qu’un split single sur Orgasm Records avec Hood, le probable futur hype de Domino.
Avec Départs (97) sorti en août suit une crise qui mène à la probable dissolution du groupe.
Départs s’identifie rapidement à une nette avancée du groupe, de nombreux disques semblent avoir croisé leurs platines, entre autres ceux de Long Fin Killie ou de Jean Bart.
Carmine a pris le temps d’habiller, de colorer son univers et gagne en franchise. On a l’impression que le groupe à mieux défini et cerné ce vers quoi il tend : exprimer la musique d’un instant, celui d’un battement de paupière, de la fermeture à l’ouverture de l’œil, là où toute perception de la réalité est distortionnée.
Départs gagne en cohérence et chacune des chansons à son existence propre, chacune est une destination différente possédant une origine commune.
La sensibilité de Carmine est tellement forte que toute convention, toute tentative d’inrockuptibilisation la pervertirait.
Départs est un accomplissement suffisant pour que dans dix quinze ans, des groupes fondamentaux en revendiquent l’ascendance. Vous voilà prévenus.
Si peu de choses à dire, mais tellement à partager à partir du moment ou notre sensibilité s’ouvre à la leur.
On n’en sort que grandi.
Dix sur dix.
Chronique paru sur le site belge disparu :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire